Où on apprend finalement que seuls les royalistes et la « polisseuse » ont véritablement été expulsés de cette immeuble privé du 17, rue des Petits-Champs, sur lequel la mairie de Paris a fait valoir son droit de préemption, les autres locataires ayant réussi à rester dans les murs...
Intérieur d’un HLM du 334 rue Saint-HonoréIntérieur d’un HLM du 334 rue Saint-Honoré K. Khalfi / Élogie
La mairie de Paris a inauguré récemment trois HLM situés à deux pas de la place Vendôme, du Palais Royal et des Champs-Elysées. Entre odeurs de platre neuf, et façade de monuments historiques, L’Express s’est rendu sur place.
Casser le cliché qui voudrait que les HLM soient uniquement des barres d’immeubles grises et tristes, cantonnées aux quartiers défavorisés. Tel est l’objectif de la maire de Paris Anne Hidalgo qui a déclaré que le logement serait la priorité de sa mandature. Pour ce faire, elle a décidé de multiplier les logements sociaux dans la capitale, et en particulier dans les quartiers dits « déficitaires », comprendre les arrondissements aisés du centre et de l’ouest parisien, qui accueillent peu d’habitat à bas prix. Pour favoriser la « mixité sociale », 7 400 nouveaux logements sociaux doivent ainsi être créés en 2015, dont la moitié dans ces « quartiers déficitaires ».
C’est dans cette optique que la mairie de Paris a inauguré il y a trois semaines trois nouveaux logements sociaux dans les 1er et le 8e arrondissements de Paris, près des Champs-Elysées et de la place Vendôme. Coup de l’opération pour ces immeubles qui ont été rénovés ou créés ex nihilo : 16 millions d’euros.
Façade historique et immeuble écolo Le premier immeuble, écologique, a été construit rue Diebold (8e), à deux pas de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
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HLM de la rue Laure Diébold, dans le 8èmeHLM de la rue Laure Diébold, dans le 8èmeLéo Mouren Les deux autres, à proximité de la place Vendôme et du Palais-Royal, ont été rachetés par la mairie de Paris qui a confié au bailleur social Elogie le soin de les rénover. Une tâche difficile, puisque la façade et les balcons de l’immeuble au 334 rue Saint-Honoré (1er) sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, et donc intouchables.
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Facade du 334 rue Saint-HonoréFacade du 334 rue Saint-HonoréK. Khalfi / Élogie
Dans cet immeuble, un ascenseur a été installé, tout en prenant soin de ne pas abimer l’escalier, d’époque.
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Cage d’escalier du 334, rue Saint-HonoréCage d’escalier du 334, rue Saint-HonoréLéo Mouren Le même problème de conservation du patrimoine s’est posé au 17 rue des Petits-Champs, dans cet l’immeuble du 18e siècle. Pour accéder aux derniers étages, synonymes de vue sur les jardins du Palais-Royal, les locataires sont obligés de marcher. Il était en effet impossible de construire un ascenseur, au grand soulagement de François, un septuagénaire qui vit toujours à cette adresse en bénéficiant d’un bail commercial. Ce locataire avoue « ne pas être ravi » de voir un immeuble avec autant d’histoire devenir un HLM. Il préférait avoir comme voisin la Nouvelle Action Royaliste, une association qui avait son siège ici de 1971 à 2009.
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Vue sur les jardins du Palais-Royal d’un HLM de la rue des Petits-Champs, dans le 1er arrondissement de Paris.Vue sur les jardins du Palais-Royal d’un HLM de la rue des Petits-Champs, dans le 1er arrondissement de Paris.K. Khalfi / Élogie Contactés par L’Express, ces « royalistes de gauche », comme ils sont souvent définis, se disent « ravis » que leur ancien local ait été reconverti en logement social, même s’ils dénoncent une « volonté politique de la Ville », qui aurait voulu les « expulser ». Une version démentie par Ian Brossat, l’adjoint au logement (PCF) d’Anne Hidalgo, et par le bailleur Elogie, qui expliquent que la couleur politique des uns et des autres ne joue pas en matière de logement.
« Un cadeau du Père Noël avant l’heure » Les revenus des locataires, eux, jouent bien. Mais la plupart des riverains de ces HLM « de luxe » sont dubitatifs et pensent que seuls des « privilégiés » seront logés dans ces beaux quartiers. Des accusations de copinage et de favoritisme que balaie d’un revers main Ian Brossat : « La commission d’attribution des logement sociaux est ouverte à tous les Parisiens qui en font la demande. Les critères d’attribution sont clairs et objectifs, nous utilisons un système à points ».
Ces critères permettent de délimiter trois types de logements au sein d’un même immeuble : des logements très sociaux, à 6 euros le mètre carré, des logements sociaux à 7€/m2, et des logements pour classes moyennes à 12€/m2, toujours pour favoriser la mixité sociale. Au final, L’Express a rencontre une ancienne gardienne d’immeuble et une caissière de supermarché parmi les usagers ont investi ces beaux appartements.
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Salon d’un appartement de la rue des Petit ChampsSalon d’un appartement de la rue des Petit ChampsK. Khalfi / Élogie Ou des trompettistes, comme Cécile, une mère de 39 ans qui vit seule avec ses deux enfants. Elle vient d’emménager rue Saint-Honoré, alors qu’elle habitait jusqu’ici dans un logement social de Villejuif (94). « Un cadeau du Père Noël avant l’heure », s’exclame-t-elle. En faisant une demande sur Paris, elle voulait juste se rapprocher de son travail, sans se douter qu’elle se verrait attribuer un habitat dans les beaux quartiers. « En matière d’accès à la culture, c’est fantastique, on est au c1/2ur de tout ! », jubile-t-elle. Effectivement son nouvel appartement se trouve à 5 minutes à pieds du Louvre et de l’Opéra.
Entre le trop cher et le trop neuf Mais, beaux quartiers riment souvent avec touristes et vie chère. En vivant à moins de 50 mètres du très branché magasin Colette, Cécile verra souvent les touristes s’amasser sous ses fenêtres. Des fenêtres doublées, qui isolent parfaitement les locataires de cette rue bruyante, assure Elogie, le bailleur. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, cela représenterait « un sacrifice relatif vis-à-vis du reste », assure Cécile. Pareil pour le coup de la vie qui, dans ce très chic quartier parisien, à deux pas des bijoutiers de la place Vendôme, sera bien plus élevé que ce qu’elle a connu jusqu’ici. « Un simple ajustement à faire », rétorque-t-elle.
Tous les nouveaux locataires ne sont pourtant pas aussi heureux. C’est le cas de Nathalie qui, à 48 ans, vient d’emménager dans les nouveaux immeubles écolos de la rue Diebold. Lorsqu’elle a fait son premier marché dans son nouveau quartier, le prix des fruits lui est resté en travers de la gorge. Même si elle explique ne pas vouloir se plaindre, elle trouve ces nouveaux logements « trop neufs » et le bâtiment, construit sur un ancien terrain vague, trop calme, « sans âme ». Même constat pour les patrons du café d’en face, qui attendent de ces nouveaux habitants qu’ils apportent de l’animation à un quartier de bureaux, qu’ils qualifient de « mort » le soir et le week-end.
« J’essuie les plâtres » Plus que le calme du voisinage, ce qui gêne vraiment Nathalie, ce sont les finitions de son appartement. Les volets et les fenêtres électriques ne marchent pas, et la première fois qu’elle est sortie de chez elle, elle n’a pas pu ouvrir sa porte en rentrant et a dû faire appel à un serrurier. Il lui en a coûté 2 500 euros. « En 15 ans dans le BTP, je n’avais jamais vu ça », s’exclame-t-elle. Elle assure qu’Elogie n’a rien voulu entendre, et ne l’a pas aidée. « Le problème a été réglé, on est revenu pour les petits détails », assure pourtant Olivier Leblanc, le directeur général d’Elogie. Il assure que le bailleur est « à l’écoute et au service de ses locataires » et minimise « quelques petits défauts de construction, qui arrivent partout ». Nathalie, elle, a conscience qu’elle « essuie les plâtres », et que tout va finir par s’arranger.
La vie de ces immeubles, qu’ils soient neufs ou rénovés, a totalement changé. Seule l’agence de mannequin dans les étages de la rue des Petits-Champs est restée, et traverse les époques. Elogie n’a pas souhaité prendre possession de ses locaux : « Deux étages totalement aménagés en bureaux, cela aurait été trop cher et trop compliqué de tout réhabiliter en logement », explique Olivier Leblanc. Ce voisinage un peu particulier n’est pas sans déplaire à l’agent de sécurité qui surveille cette immeuble en attendant que tous les locataires y soient installés. Cela fait trois ans qu’il travaille dans les HLM d’Elogie, et apprécie sa nouvelle mission. « Ah c’est sûr c’est plutôt agréable. C’est pas partout qu’on voit des mannequins dans des logements sociaux ! », commente-t-il, sourire au coin.