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La Nation Française N° 98

dimanche 25 août 2024

Sommaire

P.  1 : Attente. – Est-ce si grave ?

P.  2 : Budget.

P.  3 : Lectures.

P.  4 : Quelle République  ?

P. 5 : 80 ans de l’AFP

P.  6 : Guerre. – L’homme et la machine.

P. 7 : La déferlante Kamala ? – Plastiques.


Est-ce si grave ?

Le délai dans lequel le président de la République doit nommer un Premier ministre après des élections législatives et la démission de son gouvernement n’est pas fixé par la Constitution. Un trou juridique ? Ou bien une prudence de bon aloi ? Cela fait deux mois qu’Emmanuel Macron hésite, espérant que la situation politique se clarifie. C’est ce qui est en quelque sorte arrivé le 24 août, au journal de 13 heures de TF1, quand Jean-Luc Mélenchon, parrain de La France Insoumise, a évoqué l’hypothèse d’un gouvernement Nouveau Front Populaire auquel LFI ne participerait pas. Cela éviterait, selon lui, la menace d’une censure automatique agitée par la droite et le centre. Voire ! Avec ou sans ministres LFI, il est peu probable que si Lucie Castets veut appliquer le programme NFP, son éventuel gouvernement dure bien longtemps.

Encore qu’un gouvernement nommé peut faire beaucoup de dégâts avant d’être remplacé, surtout s’il a l’habileté de proposer des lois démagogiques auxquelles aucun député, même de droite, n’aura le cœur de s’opposer... à 10 mois d’une nouvelle dissolution déjà annoncée. Qui aura le courage de refuser la retraite à 60 ans que NFP promet ? Ou de «  faire payer les riches  » ? En tout cas pas les députés du Rassemblement national a priori, qui ont bien l’intention de ramasser la mise en faisant profil bas et en promettant tout et son contraire.

Le président a laissé son gouvernement démissionnaire gérer le dossier des Jeux olympiques qu’il avait sérieusement préparé. C’était sage et a très bien réussi. Faut-il vraiment laisser un nouveau Premier ministre se mêler du prochain Budget, alors que celui-ci doit être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er octobre – c’est une obligation constitutionnelle impérative pour le coup – et que la France est convoquée à Bruxelles le 20 septembre pour annoncer des économies de 20 milliards d’euros minimum, si elle ne veut pas encourir une lourde sanction ? Pourquoi ne pas reconduire le budget de l’année dernière, comme l’a proposé le Premier ministre démissionnaire (avec juste l’amputation exigée par l’Union européenne) ? Et aurait-il été si grave de laisser Gabriel Attal en place encore quelques semaines ? Ou quelques mois ? Il n’a, quand on refait les comptes, ni plus ni moins de majorité parlementaire qu’aucun autre Premier ministre putatif. Alors lui ou un autre...

Un «  non-gouvernement  » a en effet beaucoup d’atouts en main. Personne n’oblige ses ministres à «  prendre leurs marques  », à faire de nouvelles promesses intenables pour se faire connaître, à courir les plateaux de télévision au lieu de travailler. Chargés d’expédier «  les affaires courantes  », ceux-ci doivent faire preuve de prudence, par exemple dans la nomination des hauts fonctionnaires renouvelables, et surtout ils laissent la haute administration travailler, ce qu’elle fait depuis toujours avec compétence et dévouement. Et puis les partenaires sociaux, privés de têtes de turc, seront peut-être plus calmes, remettant leur traditionnelle «  rentrée chaude  » à un moment où ils auront enfin un interlocuteur. Qui dit que le pays n’y gagnerait pas quelques points de croissance et le citoyen moyen un peu de sérénité dans sa vie quotidienne ?

Nos voisins belges ont les mêmes problèmes que nous, peut-être plus graves à terme. Ils se passent de nouveau gouvernement depuis deux mois aussi, et rien n’indique qu’ils en auront un avant longtemps. Ils ne sont pas moins démocrates que nous, même s’ils ont la chance d’avoir, en la personne d’un roi, une figure impartiale pour relancer la machine jusqu’à ce que les discussions aboutissent. Évidemment, avec un président qui se mêle de tout, c’est un peu moins jouable et moins légitime.

Frédéric Aimard


Guerre

Alors que les Ukrainiens sont à la peine dans le Donbass, reculant pied à pied devant le rouleau compresseur russe, ils ont tenté, le 6 août, une extraordinaire manœuvre de diversion en pénétrant, avec peut-être 10 000 à 15 000 hommes, dans l’oblast frontalier russe de Koursk, 443 000 habitants et une centrale nucléaire. Un tour de force stratégique qui a permis aux Ukrainiens de faire prisonniers plus de 2000 soldats et de s’installer sur 1 250 km2 de terre russe, pour s’y fortifier immédiatement en détruisant des ponts stratégiques.

À Moscou, à environ 500  km de cette opération, Vladimir Poutine prend son temps pour réagir, peut-être sonné par la surprise, et parce qu’il ne veut pas se laisser distraire de la conquête du Donbass. Il transférerait les garnisons de Kaliningrad vers les lignes de front actuelles ou futures… Cela prend du temps mais le temps joue a priori pour le dictateur. La décision des Allemands de geler les aides militaires dans l’avenir, pour éviter un déficit budgétaire constitutionnellement interdit, le blocage politique de la France également réduite à l’insignifiance diplomatique par son endettement, les incertitudes de l’élection présidentielle américaine… sont pour lui autant d’encouragements à tenir son cap conquérant dans ces provinces ukrainiennes où il compte, peu ou prou, sur le soutien des populations russophones.

Le Premier ministre indien Narendra Modi était en visite à Kiev le 23 août juste après un passage en Pologne, où il a rencontré le Premier ministre polonais Donald Tusk et le président Andrzej Duda, mais surtout six semaines à peine après ses embrassades avec Vladimir Poutine à Moscou. Les Indiens sont traditionnellement alliés des Russes et on sait qu’ils profitent des importations à bas prix de pétrole russe. Cependant, Russes et Indiens ont des raisons sérieuses de craindre les prétentions expansionnistes de la Chine qui sortira renforcée du conflit russo-ukrainien, quelle qu’en soit l’issue. Les appels à la négociation des Indiens sont donc tout à fait sincères. Mais il est manifestement encore trop tôt pour qu’ils puissent être pris en considération par les parties directement en cause et même les autres grands acteurs mondiaux.

Paul Chassard