Le 19 novembre 2023, Javier Milel est devenu président de la République argentine, en remportant une victoire sinon écrasante du moins très nette sur Sergio Massa l’ancien ministre de l’Économie du Président péroniste sortant, avec 55,65 % des suffrages exprimés contre 44,35% des voix à son adversaire. Les sondages ne prévoyaient pas une victoire aussi ample et annonçaient un résultat serré. Une erreur de plus des sondages. Plus impressionnant encore, la candidat « anarcho-capitaliste » l’emporte dans 21 des 24 provinces du pays. Il bénéficie de la volonté des électeurs de donner un grand coup de pied dans le marigot politicien où la corruption règne en maître. Ajoutez cela une population à 40% au-dessous du seuil de pauvreté et une inflation de 143% pour l’année 2023, et on a tous les ingrédients nécessaires pour expliquer la victoire d’un homme qui n’est rentré en politique qu’en 2021. Le ton provocateur de sa campagne, son désir de couper court dans les dépenses publiques d’un Etat dispendieux et corrompu ont charmé ceux qui demain pourraient bien être les premières victimes des coupes budgétaires.
Le président élu n’a en effet guère fait preuve de mesure durant sa campagne. Suppression de la Banque centrale et de la monnaie argentine, le peso, au profit du dollar, réduction du gouvernement à 9 ministères, dérèglementation générale de l’économie, autorisation du port d’arme et de la vente d’organes, interdiction et criminalisation de l’avortement, rupture des relations diplomatiques avec la Chine et le Brésil, tels sont les maitres mots de son programme. Le tout peut être résumé par son slogan « Vive la liberté bordel !!! » et par son fétiche, la tronçonneuse. On comprend mieux les messages de félicitation enthousiastes des présidents Trump et Bolsonaro.
Pourtant une certaine prudence s’impose. Les élections législatives et sénatoriales du 23 octobre ont été défavorables au nouveau président. Il devra travailler avec la droite traditionnelle incarnée par Patricia Bullrich arrivée troisième au premier tour de la présidentielle et qui l’ a soutenu au second. Sa nomination le 10 décembre au ministère de la Sécurité comme celles de Luis Caputo au ministère de l’Économie et de Santiago Bausili à la direction de la Banque centrale, proches de l’ancien Président Macri au pouvoir de de 2015 à 2019, montrent que le message est passé. On a connu rupture avec l’ancien système plus convaincante. Pour finir, le Président a nommé sa sœur Karina au secrétariat général de la présidence, devant pour ce faire supprimer par décret l’interdiction de nomination de proches directs de membres de l’exécutif. On le croit cependant volontiers quand il annonce une période de souffrance pour le peuple.
Marc Sévrien