On se souvient de l’accueil que la presse et les milieux politiques occidentaux avaient réservé au gouvernement Meloni, lors de son arrivée au pouvoir en octobre 2022 : les éditorialistes s’enflammaient, Bruxelles menaçait, le spectre du nationalisme hantait à nouveau l’Europe, les amis de la Russie étaient dans la place ! Après un an ? Changement total. La plupart des grands journaux saluent un sans-faute diplomatique, Giorgia, Ursula et Emmanuel sont les meilleurs amis de monde, la dirigeante italienne est reçue en grandes pompes à Washington.
Comment expliquer ce revirement ? Certes, Mme Meloni a précisé d’emblée qu’elle serait une alliée loyale de l’Otan, mais son attitude était sans surprise : démochrétienne ou nationaliste, la droite italienne a toujours été atlantiste. Le changement de pied vis-à-vis de Poutine a davantage étonné. Mais après l’invasion de l’Ukraine, Moscou n’était plus fréquentable. L’Italie soutient donc activement l’Ukraine, ses relations avec l’Amérique de Biden sont excellentes, son budget militaire est en hausse vers les 2% du PIB préconisé par l’Otan.
Autre élément d’explication : l’Europe. Mme Meloni, mesurant les risques d’un isolement de l’Italie, a conclu qu’il valait mieux défendre ses intérêts de l’intérieur et elle y a plutôt réussi. Il est vrai qu’elle dispose d’un atout dont elle joue avec habileté : son rôle au Parlement européen. Présidente du groupe des Conservateurs, elle est au cœur des tractations pour constituer une nouvelle majorité de droite à Strasbourg en 2024. Avec une ambition claire : sortir du fédéralisme et reconstruire une Europe des États. Voilà qui ne manque pas d’intérêt !
Mais, c’est sans doute sur le dossier des migrants que la diplomatie italienne a le plus surpris. Si, urgence oblige, Mme Meloni doit faire face à une immigration qui explose dans la péninsule, elle est maintenant convaincue de la dimension européenne du sujet, qu’elle a réussi à imposer à l’agenda bruxellois Elle plaide surtout pour que le problème soit traité à la racine, à travers un véritable Plan Marshall en faveur de l’Afrique, sur lequel le gouvernement italien travaille activement en vue d’un sommet Europe-Afrique début 2024.
En un an, Rome a incontestablement retrouvé du poids sur la scène mondiale. Bien sûr, sa diplomatie s’explique aussi par des raisons de politique intérieure : le choix du pragmatisme, de la continuité répond incontestablement à l’aspiration des Italiens à la stabilité politique. Ce choix a ses limites. Au plan extérieur, l’Italie, petite puissance, est condamnée à trouver des alliés. Au plan intérieur, le climat social se tend et les ambitions internationales pourraient en faire les frais. L’usure du pouvoir joue aussi et les prochaines élections européennes permettront de savoir si Mme Meloni a le soutien nécessaire pour poursuivre ses projets.
François Renié.