Le vent en poupe. – La liste conduite par Jordan Bardella survole largement ses adversaires en revendiquant plus de 30 % des intentions de vote, et ce dès le lancement de la campagne. D’autant que l’électorat du RN semble parfaitement structuré et stable (87 % des votants se déclarent sûr de leur choix), à l’inverse des autres formations dont l’électorat semble plus volatil. D’après une étude Ifop, 42 % des 50-64 ans souhaitent voter Jordan Bardella, la tranche d’âge qui a basculé au RN dès 2019, celle qui subit de plein fouet la récession. Populaire auprès des salariés et des ouvriers, le parti de Marine Le Pen touche dorénavant les moins de 35 ans (30 %) et surtout, des cadres (23 %), des chiffres qui affolent ses adversaires.
Prises de guerre. – La première grosse prise se nomme Fabrice Leggeri, l’ancien directeur de Frontex, l’agence de l’UE chargée du contrôle des frontières. Promulgué numéro trois du parti, le haut fonctionnaire français rejoint la liste de Jordan Bardella dès le mois de février et devient dès lors la caution du RN sur la question du contrôle migratoire : « Le RN possède un plan concret et la capacité de le réaliser. Nous sommes déterminés à combattre la submersion migratoire, que la Commission européenne et les eurocrates ne considèrent pas comme un problème, mais plutôt comme un projet ». Fabrice Leggeri coche toutes les cases du programme RN… L’autre prise de taille est l’essayiste Malika Sorel-Sutter qui a annoncé le 24 mars rejoindre le RN pour figurer en deuxième position de la liste aux européennes menée par Jordan Bardella, « pour faire face au chaos migratoire ». Née en France et fille d’Algériens, diplômée de Science Po, elle a été membre du Haut Conseil à l’intégration durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, et a soutenu François Fillon en 2017. Elle se distingue particulièrement par ses écrits sans concessions sur l’immigration et ce qu’elle nomme « la décomposition de la France », tout comme sur l’éducation nationale et la laïcité. Malika Sorel-Sutter est érigée par le RN en « pur produit de l’assimilation ».
Un programme social en trompe-l’œil. – lutte contre l’immigration, anti-écologie, Europe des nations, favorable à un accord de paix dans le conflit Russo-Ukrainien, nous connaissons dans les grandes lignes le projet du parti. Mais ne nous y trompons pas : si le RN se dit « social » et défendre les intérêts des classes populaires, son ADN économique est foncièrement libéral, et sa stratégie de « crédibilisation » ne l’a que plus renforcé en ce sens, hors de tout gaullisme-social revendiqué par Marine Le Pen. La majorité des propositions économiques du parti favorise les plus riches. Par exemple, la proposition de l’élévation des salaires jusqu’à trois Smics. Il s’agit en définitive d’une baisse des cotisations sociales, prise à la discrétion des entreprises, qui permettraient à celles-ci de ne pas payer les charges sur la hausse des salaires. À charge de l’Etat de combler le déficit de la Sécu induit par cette mesure. En définitive, nous avons là une véritable mesure libérale sous couvert d’une politique sociale… Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres (suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, promesse d’une baisse des droits de succession dont seuls les plus riches en bénéficient, etc…).
Qu’importe en définitive les contradictions du programme RN que ses adversaires ne manquent pas de souligner. Les inconséquences des partis traditionnels qui œuvrent au sein de l’UE depuis plus de trente ans alimentent une vague populiste sans précédent sur laquelle surf le parti mariniste. Dorénavant, ce dernier envisage sérieusement l’Élysée en 2027.
Aymeric Daran.